Le contrôle de la rotation tibiale dans les pathologies de genoux est très largement abordé dans le travail de renforcement du quadriceps et la synergie avec les ischio-jambiers. Nous allons voir ici le rôle des muscles du pied et de la jambe et leur synergie lors de la marche et plus précisément lors de la phase de propulsion dans laquelle la troisième loi de Newton va s’appliquer. Une force équivalente de la poussée du corps vers le sol va remonter du sol le long du membre inférieur et mobiliser l’humain par rapport au sol. Le point fixe du corps va être le pied et  les orteils en fin de mouvement et le point mobile va être le genou. On entre en chaine cinétique fermée; le point distale est fixe et le point central (le tronc) est mobile.

La synergie du travail musculaire du pied en remontant le long de la jambe puis de la cuisse va permettre de transmettre la force de poussée sur le sol pour mettre en déplacement le corps. Ainsi un travail efficace des muscles du pied va faire que le pied va devenir un point fixe par rapport à une jambe mobile (tibia) par la cheville. Ensuite une synergie efficace pied-jambe va transformer l’ensemble en point fixe par rapport à la cuisse (fémur) par l’intermédiaire de l’articulation du genou et il en sera de même au niveau suivant.

A l’inverse, si la synergie musculaire ne se fait pas ou mal, l’énergie de poussée développée au lieu de passer à l’étage supérieur (pied, jambe, cuisse, bassin) va se disperser dans l’articulation la plus faible et occasionner des dégâts traumatiques (entorse, luxation…) ou chroniques (inflammation des tissus mous, lésions cartilagineuses, vieillissement accéléré…)

Le pied humain a les rôles de transmission de la force poussée centrifuge développée par nos muscles des jambes vers le sol et de retransmission de la force centripète de réaction équivalente du sol vers le corps.

Il se constitue de pas moins de neufs catégories d’articulations la talocrurale, la tibiofibulaire inférieure, la subtalaire, la talonaviculaire, la calcanéocuboïdienne, les intertarsiennes, la tarsométatarsienne, les métatarsophalangiennes et les interphalalgiennes.

Il va être mobilisé par les muscles intrinsèques du dos du pied pour la flexion dorsale, courts extenseur des orteils, court extenseur de l’hallux et interosseux dorsaux. Pour la flexion plantaire nous retrouvons trois couches de muscles:

  • première couche: abducteur de l’hallux, court fléchisseur des orteils, abducteur du petit orteil
  • deuxième couche: lombricaux et carré plantaire
  • troisième couche: court fléchisseur des orteils, adducteur de l’hallux (deux chefs), court fléchisseur de l’hallux puis interosseux plantaires

illustration de la 2ème couche des muscles de la plante du pied

Il va être aussi mobilisé par les muscles qui lui sont extrinsèques et dont le corps musculaire se situe dans la jambe et avec insertion tendineuse sur les os du pied. Nous trouvons dans la loge antéro-externe de la jambe le tibial antérieur, les longs extenseurs des orteils et de l’hallux, les long et court fibulaires et dans la loge postérieure de la profondeur vers la superficie les longs fléchisseurs des orteils et de l’hallux, le tibial postérieur, par dessus le soléaire formant le triceps sural en étant recouvert par les gastrocnémiens qui s’insèrent au dessus des condyles fémoraux.

illustration des muscles de la loge profonde de la jambe

Nous comptons donc pas moins de vingt deux muscles ou groupes musculaires participant à la mobilité du pied.

Cela vous laisse entrevoir la complexité et la richesse de notre anatomie. Lors de la phase de propulsion de la marche notre corps va devoir utiliser en harmonie et synergie trois couches de muscles intrinsèques, plus les extrinsèques, c’est à dire quatre couches musculaires afin que le tibia deviennent le point fixe de notre chaine cinétique fermée et que le genou puisse bien fonctionner.

Heureusement nous ne nous rendons pas compte de tout cela en marchant sinon nous ne pourrions pas rêver lors lors d’une promenade champêtre ou flâner dans une rue commerçante.

Dans notre petite enfance nous avons appris à marcher et avons automatiser le processus dans notre cerveau.

Avons nous correctement appris? Jusqu’à quel niveau pouvons nous pousser cet apprentissage? De quel précision de fonctionnement avons nous besoin dans nos activités? Quels correctifs amener afin de lutter contre la douleur, préserver une articulation?

Nous aussi professionnels de santé nous posons toutes ces questions et essayons d’apporter une réponse la plus individualisée possible. L’anatomie humaine est étudiée depuis la plus haute antiquité et pourtant pour citer J.Cleland dans Examen clinique de l’appareil locomoteur “au total, il y a un manque considérable d’informations sur les tests diagnostiques pour le pied et la cheville”. Ainsi  il nous reste d’immenses progrès  faire sur la connaissance de la mécanique du pied.

Suite à une entorse du gros orteil, au judo, il y a quelques décennies, celui-ci commençait dangereusement à se transformer en hallux valgus et des douleurs de genoux étaient apparues sans lien apparent. Je décide donc prendre le problème à bras le corps, rééducation classique, changement de chaussures, apport externe des arts martiaux chinois avec un gros travail sur les rotations des membres. En quelques années (oui quand même) et en maintenant les corrections apportées, l’hallux s’est redressé, la morphologie du pied s’est modifiée et les douleurs ont disparus.

En parallèle, dans la pratique clinique au cabinet, j’observais une récurrence de faiblesse des muscles longs fléchisseurs des orteils et de l’hallux comparativement aux extenseurs des orteils et de l’hallux chez les patients dans les instabilités de chevilles et de genoux. Les muscles fléchisseurs des orteils étaient anormalement faibles avec des poussées de l’ordre de quelques kilogrammes alors que les tests des triceps suraux étaient normaux et qu’ils pouvaient lever le poids du corps de la personne.

En revenant sur les planches d’anatomie une énième fois, je vois ce que je regarde depuis des années sans le voir. Là c’est évident, les muscles fléchisseurs du pied forment un éventail avec les muscles intrinsèques (trois couches) allant du talon vers les orteils et un double éventail par les muscles extrinsèques avec comme point de pivot la cheville et allant du talon vers les orteils et du talon vers le genou. Ce sont eux qui participent à la stabilisation de la rotation tibiale en chaîne cinétique fermée en même temps qu’ils fixent par les orteils le pied au sol. Ils travaillent en synergie avec le triceps qui va transmettre la puissance et sont aidés par le tibial postérieur et les fibulaires.

Le travail de synergie quadriceps ischio-jambiers sera grandement facilité avec un tibia fixé en chaine cinétique fermée dans la rééducation des genoux.

En conclusion, pour mes patients amusez vous bien avec vos exercices et, pour ceux qui passeront sur cette page, j’espère vous avoir donner un aperçu de la complexité et de la beauté du corps humain. Rapprochez de votre kinésithérapeute, professionnel de la rééducation, afin d’avoir une réponse personnalisée. C’est notre métier.